Comme il en avait pris l’engagement mais avec trois mois de retard sur leur adoption, le Gouvernement a finalement donné son accord à la publication de deux avis importants du Conseil d’État relatifs aux concessions.
Mis en ligne le 13 septembre, ces avis avaient nourri les spéculations et des interprétations divergentes tout au long de l’été sur les possibilités qu’ils ouvraient au Gouvernement pour taxer les sociétés concessionnaires d’autoroutes (SCA) et, au-delà, d’autres concessions.
Le premier avis porte sur «la sécurisation des mesures permettant d’assurer une meilleure prise en compte de l’intérêt public dans l’équilibre des contrats de concession autoroutière».
Il en ressort que le Conseil d’État met en garde le Gouvernement sur les risques financiers et juridiques résultant d’une réduction de la durée des contrats des SCA ou de leur résiliation.
Un tel acte, selon le Conseil, « eu égard à l’intérêt qui s’attache à la continuité du service public et à sa bonne exécution, requiert une préparation sérieuse qui doit être menée avec rigueur. »
Le Conseil ajoute : « il va de soi qu’une résiliation mettant, de manière anticipée, fin à un contrat de concession implique que le concédant ait déjà envisagé l’organisation future du service public et qu’il en ait défini le modèle. »
Les rapporteurs examinent un par un les trois motifs d’intérêt général que le Gouvernement envisa-gerait ou aurait envisagé d’invoquer, lorsqu’il a saisi le Conseil, pour neutraliser par voie législative le droit à compensation inscrit dans les cahiers des charges des SCA.
Ces motifs sont les suivants : corriger un effet d’aubaine lié à la baisse de l’IS dont ont profité tous les acteurs économiques ; éviter des hausses de péage qui pèseraient sur les usagers ; réduire les émissions de gaz à effet de serre (autrement dit, taxer les autoroutes pour financer le rail). Tous ces motifs sont écartés par le Conseil d’État, qui y voit un risque élevé de censure par le juge constitutionnel.
Enfin, le Conseil définit les modalités que l’État devrait respecter en tant qu’autorité concédante pour procéder, malgré cette mise en garde, à une résiliation unilatérale (ou un à un rachat avec indemnisation).
Le second avis porte sur la contribution de certaines sociétés titulaires de contrats de concession ou de contrats assimilés au financement des investissements publics.
Cet avis ouvre la voie à une taxation des SCA sans compensation si et seulement si cette nouvelle fiscalité ne leur est pas spécifique, et vise donc d’autres concessions.
Le Conseil d’État alerte le Gouvernement sur le fait que si cette mesure avait pour résultat de taxer « exclusivement ou quasi-exclusivement » les SCA, le juge du contrat pourrait estimer qu’elle ouvre un droit à compensation, comme le prévoient les cahiers des charges des SCA.
Par ailleurs, le Conseil d’État estime que cette éventuelle nouvelle taxe ne pourra pas se limiter aux contrats signés avant le 31 décembre 2017, comme l’aurait envisagé le Gouvernement en « contre-partie » des baisses de taux d’IS intervenues depuis cette date. Le Conseil d’État considère en effet que les avenants signés depuis lors ont ou auraient été en mesure de prendre en compte ces baisses.
En outre, il n’existe pas d’éléments, selon les rapporteurs de cet avis, permettant de placer les concessions et contrats assimilés conclus avec l’État dans une situation différente des contrats de même nature établis avec d’autres personnes morales, notamment des collectivités territoriales. En d’autres termes, la taxation des seules concessions d’État (terminologie parfois employée par le Gouvernement sur ce sujet) pourrait constituer une rupture d’égalité.
En revanche, le Conseil d’État estime que le Gouvernement peut indifféremment, pour fixer l’assiette de la contribution, opter pour le CA ou le résultat net, dès lors que cette imposition ne revêt pas de caractère confiscatoire.
L’inscription d’une telle taxe dans le prochain PLF, si elle est désormais probable, soulève encore de nombreuses questions. A titre d’exemple, le Gouvernement avait écarté l’idée d’une taxation des aéroports régionaux, ce qui pose problème compte tenu des conditions posées par le Conseil d’État d’une égalité de traitement entre concessions d’Etat et concessions des collectivités locales. En passant outre les recommandations du
Conseil sur ce point ou d’autre, le Gouvernement court le risque de s’exposer à des contentieux.
De plus, les SCA ne font pas mystère de leur intention de tout mettre en oeuvre pour contester une taxe qui serait éventuellement intégrée au PLF, en faisant valoir si nécessaire devant les juridictions administratives qu’elle doit ouvrir la voie à des compensations, comme le prévoient les cahiers des charges.
A cet égard, les avis du Conseil d’État livrent une analyse et des arguments dont les SCA ne manqueront pas de se saisir.